Nocturnes
Matthieu Bareyre : Après des études en philosophie, et un passage par la critique de cinéma (pour Critikat, Vertigo et Débordements), Matthieu Bareyre se lance en 2012 dans la réalisation de son premier flm, le moyen métrage Nocturnes.
A propos du documentaire : Pour réaliser Nocturnes, Matthieu Bareyre a rencontré les jeunes parieurs de l’hippodrome de Vincennes en se rendant sur les lieux pour filmer les courses de nuit, peu fréquentées du public. Le lieu s’est donc dédoublé : la salle où les parieurs discutent, jouent, s’excitent, d’un côté ; la piste où courent les chevaux de l’autre. Bareyre n’a pas choisi, il a fait un film divergent. La différence de traitement entre les courses elles-mêmes et les scènes avec les parieurs intrigue d’emblée. “C’est toujours la même caméra”, nous dira-t-on, mais le montage est ici la chose la plus importante. Ce sont, plus précisément, les raccords qui interpellent : ils privent les parieurs, les yeux déjà rivés sur l’écran qui retransmet la course en direct, d’un regard sur la piste. Qui regarde donc réellement cette dernière ? Le cinéaste, bien sûr. Si Bareyre a partagé du temps avec eux, le film refuse visiblement un authentique partage de vues sur l’objet de l’attention. La télévision reste un intermédiaire, et même un intermède, quelques gros plans sur les pixels de l’écran venant offrir des moments de détente au public de temps à autre. Les manières de vivre, de parler, d’être des parieurs n’intéressent pas tant que ça le film. S’ils sont sauvés, c’est qu’ils sont fascinés par la beauté des courses, bien qu’ils semblent l’ignorer : ce qui est beau avant tout, ce sont les plans, pas la compétition elle-même. L’un sent, les autres jouent : un film comme les autres, un de plus. Au final, c’est ésotérisme (esthétique) contre ésotérisme (lexical, technique, le vocabulaire des parieurs), de l’opacité à tous les étages.