— Publié le 11/07/2014

Gente de bién

Fiche film

GENTE DE BIEN un film de Franco Lolli

Colombie, France / 2014 / fiction / 1h27 / Geko Films / Ad Vitam Distribution / Sortie nationale le 4 mars 2015

Sélection officielle, Semaine de la Critique, Festival de Cannes 2014

Bogota, aujourd’hui. Éric, 10 ans, se retrouve du jour au lendemain avec Gabriel, son père qu'il connaît à peine. L'homme a du mal à construire une relation avec son fils et à se maintenir à flot.  Maria Isabel, la femme pour laquelle Gabriel travaille en tant que menuisier, décide de l'aider et prend  l'enfant sous son aile. Sans prendre la mesure des conséquences de ses actes.

Avec Brayan Santamaria, Carlos Fernando Perez, Alejandra Borrero / Réalisation, scénario Franco Lolli, Catherine Paillé / Image Oscar Duran / Son Matthieu Perrot, Josefina Rodriguez / Montage Nicolas Desmaison, Julie Duclaux / Production Geko Films, Evidencia Films / Distribution Ad Vitam.

Ce film a bénéficié d'un soutien à l'écriture de Ciclic-Région Centre.

Entre la France et la Colombie, l'envie de bonté de Franco Lolli

Avec “Gente de bien”, le réalisateur colombien Franco Lolli propose à la Semaine de la critique un beau premier film sur la solitude de l'enfance, entre interrogations chrétiennes et sociales.

Il y a deux ans, il présentait un court métrage à la Quinzaine des réalisateurs. Son projet de long métrage a été, ensuite, accompagné par la Ciné-Fondation du Festival de Cannes. Où Franco Lolli se retrouve cette année candidat à la Caméra d'or en présentant à la Semaine de la critique Gente de bien. Ce parcours parfait, et parfaitement cannois, attire l'attention, autant que le film la retient. Nous voici en Colombie, marchant dans les pas d'un gamin de dix ans ballotté entre son père et sa mère, séparés et dans la dèche. Une riche propriétaire pour laquelle travaille le père veut apporter son aide : elle ouvre sa maison de campagne et sa famille, où l'enfant va chercher une place... Avec retenue, précision et justesse, Gente de bien observe les relations d'un père et de son fils, les rapports entre personnes de classes différentes, entre enfants de milieux opposés. Un univers où tout peut heurter, même les meilleures intentions. Ce beau premier film nous a donné envie d'en savoir plus sur Franco Lolli, Colombien de trente ans qui parle un français parfait. Et pour cause : il vit à Paris depuis treize ans et il est diplômé de la Femis.

Gente de bien parle de la société colombienne, des rapports de classe, mais c'est un film plus personnel et intime que politique. Comment l'avez-vous envisagé ?

J'ai simplement voulu raconter une histoire dans mon pays, tel que je le vois. Les difficultés économiques y sont grandes, depuis longtemps, et la question des classes sociales peut y être très dure. Je suis quelqu'un de gauche mais je n'ai pas d'implication politique particulière. Contrairement à ma mère qui milite dans un parti d'extrême gauche en Colombie. Je pense qu'elle n'aimera pas mon film car elle préférerait que je fasse un cinéma pamphlétaire. Moi, je ne veux juger personne. J'ai envie de raconter comment les gens vivent et comment ils font pour se débrouiller. Je viens plutôt d'un milieu bourgeois, mais j'ai toujours été le pauvre parmi les bourgeois. Je m'identifie davantage avec l'enfant défavorisé qu'avec celui de la femme riche, même s'il y a de moi dans ces deux personnages de Gente de bien.

“J'ai été élevé avec l'idée que la question du bien était essentielle.”

L'enfant de votre film fait parfois penser à celui des Quatre Cents Coups de Truffaut, est-ce une référence volontaire ?

C'est un film que je me suis interdit de revoir avant de tourner : je ne voulais pas être écrasé par cette référence. J'ai juste revu le casting qu'avait fait Truffaut, un document qu'on trouve sur internet, et je me suis dit que je devais absolument trouver un enfant aussi bon que Jean-Pierre Léaud l'était. Les Quatre Cent Coups sont là, bien sûr, je ne peux le nier même si je n'ai pas voulu le souligner. Simplement, je voulais filmer la solitude de l'enfant. Je crois qu'on ne fait pas du bon cinéma si on n'a pas été blessé. Truffait avait été un enfant seul, abandonné. Ça lui a donné du génie dans Les Quatre Cents Coups.

Gente de bien aborde la question de l'aide qu'on peut apporter aux autres, du bien qu'on peut faire, en montrant combien faire le bien est difficile. Etes-vous un cinéaste chrétien ?

J'ai l'impression d'avoir fait un film très catholique malgré moi. Je suis croyant mais je ne suis pas pratiquant. Le sujet de mon film m'a ramené à ma propre enfance : quand j'avais dix ans, comme le personnage principal, les réflexions spirituelles avaient beaucoup de place dans ma manière de regarder le monde. J'ai été élevé avec l'idée que la question du bien était essentielle. C'est peut-être parce que ce n'est pas facile de faire le bien que c'est chrétien. Faire le bien, ce n'est pas faire semblant de faire le bien.

Plusieurs jeunes cinéastes français issus de la Femis sont présents à Cannes cette année avec des films qui ont un ton nouveau. On peut parler de renouveau ?

C'est ce qu'on se disait hier soir dans une fête avec les réalisateurs de Party Girl : c'est à notre tour de faire le cinéma de demain. C'est excitant de se trouver à cette place. Il y a aussi à Cannes cette année Thomas Cailley, qui présente Les Combattants, et Céline Sciamma, qui a fait l'ouverture de la Quinzaine, et d'autres encore que j'oublie. Nous sommes issus de quatre promotions de la Femis, ça crée donc un effet de groupe fort. Si le ton est nouveau, c'est sans doute parce que l'école a eu une volonté d'ouvrir les étudiants à d'autres cinémas. Le cliché du film français Femis avec un personnage qui déprime dans une baignoire, on l'a dépassé. Il y a maintenant une grande diversité. Mais il y a aussi des films très bien avec des gens qui dépriment en prenant un bain !

Source : http://www.telerama.fr/

Propos recueillis par Frédéric Strauss