— Publié le 28/09/2022

Ce qui nous sépare

Anne Collongues

Éditions Actes Sud, 2016, 176 pages, 18,50 €

Un soir d’hiver, dans un RER qui traverse la capitale et file vers une lointaine banlieue au nord-ouest de Paris. Réunis dans une voiture, sept passagers sont plongés dans leurs rêveries, leurs souvenirs ou leurs préoccupations. Marie s’est jetée dans le train comme on fuit le chagrin ; Alain, qui vient de s’installer à Paris, va retrouver quelqu’un qui lui est cher ; Cigarette est revenue aider ses parents à la caisse du bar-PMU de son enfance ; Chérif rentre dans sa cité après sa journée de travail ; Laura se dirige comme tous les mardis vers une clinique ; Liad arrive d’Israël ; Frank rejoint son pavillon de banlieue.

Attentive et bienveillante, Anne Collongues fait tourner la lanterne magique de l’existence et livre un texte subtil, aussi juste dans l’analyse psychologique de ses personnages qu’émouvant dans la représentation de leur beauté banale. Ce qui les sépare, c’est finalement ce qui les rapproche : cette humanité qui fait de chacun d’eux un petit monde accomplissant sa modeste révolution, traçant une destinée minuscule qui, au fil de ce trajet dans la nuit des cités-dortoirs, va connaître sa modification.

Extrait

À quoi pensent-ils ? Le regard de Marie glisse sur les visages silencieux du wagon, sur celui très émacié de la femme au fond, plus proche d'elle, celui du garçon au sac de voyage, tourné vers la fenêtre, puis sur l'homme assis sur la même rangée qu'elle. Elle détaille sa veste élimée, ses longues mains pâles, il n'a pas d'alliance, un air mélancolique, elle l'image pinaniste ou fleuriste, des mains qui servent, mais pas au gros oeuvre, à quelque chose de délicat. Des mains presques féminines comparées à celles, solides et abîmées, de son père. On peut essayer d'interpréter les apparences, y associer des occupations, des caractères, mais ce que chacun pense, ressent, rêve, toute cette agitation invisible, cela reste mystérieux et inaccessible, aussi intime soit l'autre.

Ressources

Sur l'ouvrage

À lire

"Ce qui nous sépare", premier roman virtuose d'Anne Collongues , par Anne Brigaudeau, 5 avril 2016, CultureBox, France Info

Ce qui nous sépare, article du 16 avril 2016 sur le blog Femmes de Lettres

À écouter

Les livres : le premier roman d'Anne Collongue, France Bleu Maine

 Sur l'autrice

À voir

son site de photoragraphie

 Pour aller plus loin

À lire

Vies minuscules, Pierre Michon, Gallimard, 1984

À voir

Petit coeur, court-métrage réalisé par Uriel Jaouen Rehen

Née en 1985, Anne Collongues est devenue photographe après cinq années d'études aux beaux-arts ponctuées de voyages. Elle a passé trois ans à Tel Aviv et vit désormais à Paris. Ce qui nous sépare est son premier roman.

(Portrait © Ori Bahat)