— Publié le 15/11/2023

Pourquoi soutenir économiquement les auteurs ?

Les auteurs sont au cœur de ce que l’on nomme l’écosystème du livre, ceux dont le travail de création sera édité, diffusé, commercialisé ou étudié. Et, pourtant, ils sont l’acteur de cet écosystème le plus fragile économiquement. En effet, très peu nombreux sont ceux qui vivent de leurs seuls droits d’auteur et, comme Bernard Lahire en fait le constat dans La condition littéraire : la double vie des écrivains*, l’immense majorité d’entre eux est contraint d’exercer un “second métier”, qui est bien souvent en réalité un premier métier au sens pécuniaire, mais aussi organisationnel du terme. Ciclic a imaginé des dispositifs pour leur permettre de créer plus librement.

En effet, contraints de trouver d’autres sources de revenus, les auteurs se retrouvent donc fréquemment en situation de pluri-activité” et peuvent avoir des sources de revenus “très variées et variables, principales ou secondaires, durables ou occasionnelles, combinables ou non entre elles”. Cette pluralité d’activités s’impose également car il n’existe pas d’équivalent au régime de l’intermittence du spectacle ou à un autre régime d’assurance chômage spécifique, qui permette de rémunérer sous forme d’allocations des périodes de création et de recherche. Ils sont donc conduits à cumuler activités littéraires et “second métier” ou activités “extra-littéraires-rémunératrices”, à effectuer de constants va-et-vient et à partager leur temps entre les deux.

Le principal problème posé par la nécessité d’exercer ces activités rémunératrices est donc d’ordre temporel. Le temps consacré à la création est ainsi fragmenté, morcelé, relégué aux marges d’un emploi du temps de salarié et d’une vie familiale. Alternant en permanence entre écriture et activités professionnelles rémunératrices, il leur est difficile de trouver le temps nécessaire à l’écriture et encore plus compliqué de trouver un temps de qualité.

> Des dispositifs complémentaires et adaptés

Afin de pallier les difficultés rencontrées par les auteurs, Ciclic propose deux dispositifs d'aide dont l'objectif premier est le soutien à la création littéraire : les résidences d’auteur et les auteurs associés. Par ailleurs, la présence de ces derniers sur le territoire permet de développer des actions de diffusion et de médiation en direction des populations pour faire connaitre leur oeuvre et leur travail littéraire.

les résidences d’auteur

Le plus connu, les résidences, impliquent la présence en continu d'un auteur sur un territoire pour une durée comprise entre deux mois et six mois. Celui-ci est accueilli par une structure organisatrice avec laquelle un projet, articulé autour de son travail de création, est coélaboré. Il est hébergé et rémunéré, le plus souvent par la structure accueillante.

Ciclic accompagne, apporte ses conseils et accorde une aide financière aux structures désireuses d’accueillir des auteurs en résidence. Une dizaine de structures sont concernées chaque année. Certaines, tels le Domaine national de Chambord, Livre passerelle, bd BOUM, la Maison des écritures, les mille univers ou la Bibliothèque départementale d’Eure-et-Loir organisent régulièrement des résidences. D’autres le font de façon plus occasionnelle, en lien avec un événement ou motivés par une rencontre avec un auteur.

les auteurs associés

Cependant, pour nombre d’auteurs et de structures il n’est parfois pas possible ou pertinent de mener une résidence : parce qu’ils exercent une activité rémunérée ou ne peuvent s’absenter longtemps de chez eux pour des raisons familiales. En ce qui concerne les structures, certaines n’ont pas les moyens humains, financiers ou logistiques pour accueillir un auteur deux mois en continu, pour d’autres, cette forme de présence n’est pas pertinente au regard de leur fonctionnement.

Afin de résoudre cette problématique, Ciclic initie depuis 2014 le dispositif d’auteurs associés. Complémentaire du dispositif de résidences, il permet également de soutenir la création par le biais de bourses destinées à des auteurs qui s’associent avec un lieu du territoire de la région Centre-Val de Loire, pour une période de 4 à 10 mois, mais avec une contrainte de présence plus légère (de l’ordre d’une journée par semaine) que celle imposée par les résidences. Il permet d’élargir le spectre des auteurs susceptibles d’être accueillis sur le territoire, d'assouplir les modalités de présence et d'ouvrir à de nouveaux lieux d’accueil, tout en contribuant à la diffusion et à la médiation de la littérature.

Voir aussi

Quelques chiffres

  • En 2015, les ⅔ des auteurs de livres perçoivent pour l’édition imprimée moins de 10 % de droits d’auteur sur le prix public de vente des livres. Un auteur sur cinq est rémunéré à un taux inférieur à 5 %, en particulier en littérature pour la jeunesse. La moyenne des droits perçus par l’auteur est d’1 € par livre vendu [source Conseil Permanent des Écrivains].
  • Parmi les 700 écrivains interrogés par Bernard Lahire, 59 % n’ont jamais touché d’à-valoir et, en 2003, seuls 9,3 % ont perçu plus de 10 000 € de droits d’auteur. Le revenu médian des écrivains affiliés à l’Agessa est de 16 000 €, ¼ sont en dessous du seuil d’affiliation (4 577 € pour 2014).

*Cette enquête (menée en 2004 et 2005 par questionnaire auprès de 700 écrivains vivant en Rhône-Alpes, par une série d’entretiens auprès de 40 écrivains et par l’étude de dossiers de demande de bourses et d’aides financières) reste à ce jour la seule étude représentative concernant les revenus des auteurs.


Notons qu’un certain nombre de menaces pèsent actuellement sur les revenus des auteurs, risquant de les réduire encore. Une pétition circule à l’appel du Conseil Permanent des Ecrivains et une manifestation s’est déroulée au salon du livre de Paris, afin de protester contre :

  • la baisse de leurs revenus, due notamment à l’augmentation considérable du nombre de publication et à la baisse du prix de vente des livres numériques non compensée par une augmentation des taux de rémunération
  • des réformes sociales préoccupantes, concernant notamment la sécurité sociale et la retraite des auteurs
  • un droit d’auteur fragilisé par la politique européenne obligeant la France à relever le taux de TVA sur le livre numérique de 5,5 à 20 %