L'Émigrant - Le réalisateur

Chaplin et l'Amérique, allers-retours

16 avril 1889 : naissance à Londres de Charles Spencer Chaplin, quatre jours avant celle d’Adolf Hitler.

Années 1890 : internements de la mère de Chaplin pour maladie mentale ; abandon par son père, que l’alcool tue dans la force de l’âge ; logements sordides, orphelinat, faim.

1910-1915 : au sein d’une troupe de music-hall, Chaplin part à deux reprises en tournée en Amérique, la première à bord d’un cargo insalubre, aux côtés de Juifs russes rescapés d’un pogrom. Lors du second séjour, il est engagé par la firme Keystone, pour laquelle il va interpréter puis diriger trente-cinq films en 1914, généralement d’une bobine (soit une douzaine de minutes). Son personnage de vagabond (the tramp) lui confère un succès mondial. Chaplin dirige ensuite quatorze films pour la firme Essanay, la plupart de deux bobines.

1916-1923 : au fil des contrats, succès et indépendance artistique croissants. En 1916, Chaplin signe avec la Mutual, pour laquelle il réalise douze « deux bobines » en dix-huit mois, dont L’Émigrant (« Je crois bien que mon séjour à la Mutual fut la période la plus heureuse de ma vie », écrit-il dans ses mémoires). Puis c’est la First National, où il dirige neuf films de deux à six bobines. En 1919, il est l’un des fondateurs de la United Artists, la première coopérative de cinéma créée par et pour des cinéastes.
En 1921, pour la sortie du Gosse (The Kid), Chaplin fait une tournée triomphale en Europe, où il n’était pas revenu depuis 1912. Des journalistes lui demandent s’il est bolchévique.
En 1923, sortie de L’Opinion publique, un drame dans lequel Chaplin ne joue pas mais qui concrétise le désir, qu’il avait déjà au départ de ce qui deviendrait L’Émigrant, de tourner un film qui se déroulerait à Paris, au Quartier latin. C’est son dernier film avec Edna Purviance, son actrice principale depuis 1915. Au nom de cette collaboration et du grand amour qui les unit un temps, Chaplin lui versera un cachet jusqu’à sa mort, en 1958.

1925 : À la fin de La Ruée vers l’or, Charlot devenu riche en Alaska prend le bateau de retour « au pays », c’est-à-dire aux États-Unis. Bien que toujours de nationalité anglaise, Chaplin peut encore sereinement se considérer américain d’adoption.

1931-1940 : après Le Cirque en 1928, sortie des Lumières de la ville, film muet alors que le parlant existe depuis quatre ans. Chaplin fait une seconde tournée en Europe. Accueil extraordinaire à Berlin, malgré quelques procès en judéité (Chaplin n’était pas juif, mais refusa toujours de nier l’être). Sept ans plus tard, malgré l’isolationnisme américain, il entreprendra Le Dictateur, son premier film (quasi) intégralement parlant (Les Temps modernes, en 1936, ne l’est encore que très partiellement).

1952 : depuis plusieurs années, Chaplin est accusé de sympathies communistes, de sexualité débridée, de dangereuses libertés d’esprit (cf. le pessimisme féroce de Monsieur Verdoux, sorti en 1947), etc. Sur le bateau qui l’emmène en Europe présenter son dernier film, Les Feux de la rampe, il apprend que le visa de retour aux États-Unis lui est refusé. Il vivra désormais avec sa famille à Corsier-sur-Vevey, en Suisse.

1957 et 1967 : les deux derniers films de Chaplin sont produits et tournés en Angleterre. Le protagoniste d’Un roi à New York est un monarque d’Europe centrale exilé aux Etats-Unis, aux prises avec la paranoïa de l’Amérique maccarthyste ; il repartira sans un regard pour celle-ci. La Comtesse de Hong Kong est une aristocrate déchue qui voyage clandestinement à bord d’un paquebot pour gagner l’Amérique.

1972 : afin de recevoir un Oscar d’honneur, Chaplin se voit attribuer un visa temporaire pour les États-Unis.

1977 : Charlie Chaplin meurt à Corsier-sur-Vevey, dans la nuit de Noël.

Auteur du dossier : Jean-François Buiré, 2010.