Il fait beau... - Propos de la réalisatrice

Les premiers pas d'une demoiselle

L’idée de faire ce film est venue de mon désir de garder une trace de moi enceinte pour ma fille. Je voulais aussi montrer ma vision de la grossesse – souvent vue comme un empêchement à vivre et associée à une mise entre parenthèse de la féminité – et aller à l’encontre de ce que les gens projettent sur une femme enceinte. Du coup, je trouvais intéressant de montrer une fille qui n’a pas envie de correspondre à ce schéma et qui, n’ayant pas d’amoureux, souhaite faire une nouvelle rencontre. Je n’ai pas particulièrement souhaité me mettre en scène en réaction à une frustration liée à mes expériences cinématographiques, j’ai juste suivi mon désir d’actrice par rapport à ce personnage que j’ai inventé. Par exemple, j’aimais bien l’idée de montrer mon ventre nu à travers ce plan où j’apparais presque comme un totem. Je trouve qu’un acteur c’est aussi un corps. D’ailleurs, j’aime le burlesque et j’avais aussi envie de jouer ça.

Adèle Demoiselle

Il y a quelques années j’ai réalisé un film où il était déjà question de ce personnage que j’ai inventé il y a longtemps et que j’appelle Adèle Demoiselle. C’est une fille un peu lunaire, candide et décalée, qui appréhende les choses différemment des autres. J’avais tourné ce premier court en pellicule, avec une grosse équipe, et ça a été un peu comme un film d’école pour moi. Le projet est resté en suspens, puis est tombé à l’eau, la production a fait faillite… C’est une situation d’extrême urgence – je voulais tourner avant mon deuxième accouchement – qui a fait que je me suis remise à la réalisation. On retrouve le personnage d’Adèle Demoiselle dans mon premier long métrage, La Reine des pommes, dont je viens de terminer le mixage, et dans le film que je suis en train d’écrire L’Impossible Vérité.

Autoproduction

En abordant ce film, je me suis dit que je n’allais pas refaire la même erreur qu’avec cette réalisation inachevée et que j’allais tirer les bénéfices de cette première expérience : je n’ai pas cherché de producteurs et j’ai décidé de produire le film moi-même. Je suis allée jusqu’où je pouvais aller toute seule dans sa fabrication. On a fait ce court métrage avec peu de moyens mais on l’a beaucoup préparé au moment de l’écriture, qui a été l’étape la plus déterminante dans l’élaboration du film. Par exemple, la scène où l’on voit Adèle et sa copine avancer vers la caméra, c’est une scène qui a été pensée comme ça dès le départ et qui est décrite ainsi dans le scénario. On était une équipe très réduite : il y avait Céline Bozon la chef opératrice, un assistant caméra, une scripte et un ingénieur du son. Cela nous a obligé à faire des choses simples, notamment au niveau des décors en extérieur. Tout était écrit dans cette optique. On a tourné en six jours, en partie dans mon appartement et dans mon quartier.

Collaborateurs

Le fait d’avoir fait des études d’architecture m’aide dans ma façon de penser des scènes en termes de cinéma, d’organiser ma pensée et de la structurer quand il s’agit de concrétiser une idée en fonction des contraintes spatiales. En revanche, je ne suis pas douée pour cadrer. J’ai des images en tête et je les transmets à Céline Bozon à qui je laisse le champ libre : je pouvais lui dire que je voulais un plan serré, elle me proposait un cadre et comme on n’avait pas de combo (combiné écran-enregistreur permettant de vérifier le cadre avant et pendant la prise de vue et de visionner celle-ci après coup), je devais lui faire entièrement confiance. Quand j’ai commencé à lui parler de l’image, je lui ai dit que je voulais quelque chose de proche du Technicolor, et c’est elle qui m’a dit que le Super 8 serait le meilleur support pour ce que je voulais faire avec la couleur.

Au départ, je pensais au compositeur Gonzales pour interpréter le rôle de Vidal car l’histoire du film est inspirée de lui, mais il n’a pas accepté de le faire. Mais quand il a vu film, il a voulu s’occuper de la musique. Le morceau assez rythmé qui accompagne la marche d’Adèle jusqu’au Palais Royal existait déjà. Le morceau d’ouverture est une variante de ce morceau préexistant, en accord avec la dimension « classique » de l’échange épistolaire. Au montage, on a calé le pas d’Adèle sur le martèlement du piano. Pour ce qui est du morceau de Bertrand Burgalat, je l’ai eu tout de suite à l’esprit pour la scène finale.

Influences

S’il y a une influence de la Nouvelle Vague, elle est inconsciente. J’adore les films de Rohmer, de Truffaut, j’aime beaucoup Agnès Varda, mais j’ai vu très peu de films de Godard. Il y a plein de films que je ne veux pas voir car je ne veux pas être influencée. Si mon film fait penser à l’esprit de la Nouvelle Vague, c’est peut-être en raison de sa facture très libre : à un moment donné les réalisateurs de cette génération se sont dits « on peut porter la caméra, être plus léger, en plus petite équipe, tourner caméra à l’épaule ». J’aime le ton des dialogues de ces films, leur côté désuet. La différence avec la Nouvelle Vague, c’est que là c’est un film fait par une fille !

Amélie Dubois, 2009

Valérie Donzelli

C’est en tant qu’actrice et non comme réalisatrice que Valérie Donzelli, ancienne étudiante en architecture, fait ses premiers pas dans le cinéma. Elle est révélée par le film de Sandrine Veysset Martha…Martha (2000) où elle tient le rôle principal, celui d’une femme perdue qui ne supporte plus sa vie. Son interprétation est couronnée par le prix Michel Simon, qui récompense de jeunes acteurs. Elle enchaîne ensuite des rôles plus ou moins importants sous la direction entre autres d’Agnès Varda (Le Lion volatil), Gilles Marchand (Qui a tué Bambi ?), Alain Guiraudie (Voici venu le temps) et Sandrine Rinaldi (Mystification, avec Serge Bozon) et apparaît en tête d’affiche du film de Jean-Pascal Hattu, 7 ans (2007).
Son premier court métrage en tant que réalisatrice, Il fait beau dans la plus belle ville du monde, fut présenté dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes en 2008. Puis elle signe son premier long métrage La Reine des pommes en 2010, suivi de La Guerre est déclarée (2011) qui séduit la critique et le public.