Bertrand Mandico : petite leçon de choses

Dans Notre-Dame des hormones, le cinéaste Bertrand Mandico offre une vision bien singulière du sexe au féminin.  Retour avec lui sur la fabrication du filmqui en 2016 faisait partie de la présélection pour le César du meilleur court métrage. 

Après avoir découvert votre film, on se demande (un peu) évidemment ce qui se passe dans votre tête, ou plus formellement, quelle est la genèse d'un tel projet ?
Mon envie avec les Hormones était d'écrire un conte cruel pour un duo d'actrices (Nathalie Richard et Elina Löwensohn) que je voulais rassembler le temps d'un film baroque. Jouer avec leurs capacités à incarner des personnages hauts en couleur, excessifs, non réalistes. Pour cela, j'ai établi un dispositif de mise en abîme, en imaginant un récit basé sur une sorte de répétition perpétuelle, où une créature très organique révèle les sentiments enfouis. J'ai d'abord rédigé la partition des dialogues, un très long échange dans lequel j'ai fait un premier montage. Puis j'ai ensuite imaginé le contexte et la mise en scène. La créature s'est définie petit à petit au fil des dialogues. Ce sont les personnages qui ont dessiné ses contours.

On reste saisi par le travail rigoureux et très élaboré autour des décors, et plus généralement de tout ce qui advient dans le cadre : comment travaillez-vous en amont du tournage ?
Au commencement, des descriptions assez poussées, un collage de références, de nombreux croquis... La vision se précise et évolue lorsque l'on trouve un décor auquel on s'adapte et que l'on customise jusqu'à l'outrance. Pour ce film j'ai beaucoup pensé à Sirk, Fassbinder et Cocteau... Ce sont les références qui m'ont hantées.

Et sur le tournage ? Comment travaillez-vous les effets ?
Le principe est de tout fabriquer durant le tournage, ne pas m'en remettre à la post-production image. On répète précisément avec les acteurs dans un cadre très composé: éclairant, filtrant, enfumant le décor... Tous les effets sont réalisés au tournage, sur support pellicule. J'utilise la pellicule en tirant parti de sa spécificité, sensibilité et texture, préférant un trucage visible et onirique.

Comment échangez-vous avec votre équipe sur vos idées et vos désirs ?
Simplement j'espère ! Je les noie de références et croquis. Que ce soit avec Pascale Granel la chef opératrice ou Astrid Tonnelier la décoratrice, nous cherchons ensemble à solutionner les problèmes et incarner l'univers du film, souvent en prenant les « difficultés » à contrepied.

Vous effectuez un travail très particulier également autour de la bande-son: vous pouvez nous en parler ?
Je fais une captation très sommaire durant le tournage. Tout le son est recréé au montage de façon empirique avec des outils hybrides. Ambiance, musique et bruitages forment un tissage émotionnel et très subjectif que je structure au fil des séquences. Puis ensuite les voix sont enregistrées, les acteurs retrouvent leurs marques et apportent des nuances ou couleurs supplémentaires... Avec Laure Saint-Marc, la monteuse image et son du film, nous créons un artifice sonore complet, une bande son organique qui vient imprégner profondément les images.

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Né en mars 1971, Bertrand Mandico intègre le CFT Gobelins à Paris où il obtient son diplôme de "cinéma d'animation" en 1993. Il ne réalise, néanmoins, qu'un seul court métrage d'animation : "Le Cavalier Bleu", mettant en scène un rite païen dans un assemblage surréel. Il prolonge ses expériences visuelles dans des miniatures pour ARTE.

Créant des univers crépusculaires, il travaille sur la matière cinématographique et narrative en revisitant les genres. Il écrit et réalise de nombreux courts et moyens métrages sélectionnés (primés pour certains) dans grand nombre de festivals. Dont "Boro in the box", moyen métrage qui fut présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au festival de Cannes. Inspiré librement de la vie de Walerian Borowczyk faisant écho à une rétrospective qu'il a piloté à Varsovie.  Les recherches de Bertrand Mandico sont polymorphes (textes, photos, dessins, assemblages) certains de ses films tels que "Living Still Life" sont exposés dans des centres d'art. Bertrand Mandico travaille également sur un projet de 21 films en 21 ans avec Elina Löwensohn, réflexion sur les états corporels de l'actrice et fiction. Il écrit et élabore actuellement une série de science-fiction : "Prairie", pour la Belgique et la Norvège. 

Son premier long-métrage, Les garçons sauvages, a été tourné à la Réunion et en région Centre-Val de Loire à l'automne 2015.

 
Filmographie sélective : 

1997 - La Chanson du jardinier fou
2000 - Mr Flupersu
2001 - Le Sacre
2002 - Salon brésil, film musical
2003 - C'était le chien d'Eddy
2004 - Tout ce que vous avez vu est vrai
2006 - Il dit qu'il est mort
2007 - Mie, l'enfant descend du songe
2007 - Essai 135
2009 - Sa majesté petite barbe
2010 - Burlesque et froid
2011 - Boro in the Box
2012 - Living still life4
2013 - Prehistoric Cabaret
2014 - Souvenirs d'un montreur de seins
2015 - Y-a t-il une vierge encore vivante ?
2017 - Les Garçons sauvages (long métrage)
2018 - Ultra Pulpe